Aller au contenu

L’isolement des personnes aînées au Québec : des facteurs et des statistiques en hausse

La population du Québec vieillit et sera même bientôt l’une des plus âgées du monde occidental [1]. En 2030, les personnes de plus de 65 ans compteront pour 2,3 millions des habitants de la province, soit 25 % de la population. Parmi elles, plus de 30 % seront à risque de souffrir d’isolement.

Que signifie l’isolement concrètement et dans les chiffres?

On parle d’isolement social lorsqu’une personne a peu de contacts avec les autres (en nombre, en durée et en fréquence) et que ceux-ci sont de faible qualité en termes de rôle social ou d’échange mutuel.

Ce type d’isolement ne se produit pas du jour au lendemain. Il est la plupart du temps insidieux et découle de plusieurs facteurs qui s’accumulent et finissent par rendre certains individus invisibles ou presque aux yeux de toute une société.

Les principaux facteurs de risque d’isolement social des personnes aînées

La chute démographique

Au Québec, l’indice de fécondité était de 1,52 enfant par femme en 2020 [1]. Ce taux est bien en dessous du seuil de remplacement des générations qui se situe à 2,1 enfants par femme. Le nombre de naissances annuelles diminue d’ailleurs constamment depuis les années 70. 

Parallèlement, l’amélioration des conditions de vie et les progrès de la science ont nettement augmenté l’espérance de vie. Nous sommes donc aujourd’hui et seront à l’avenir plus nombreux à vivre plus longtemps.

En raison de cette longévité grandissante et du vieillissement inévitable de la population, les institutions considèrent l’isolement des aînés comme un enjeu prioritaire pour la société. Le gouvernement fédéral a notamment commandé le Rapport sur l’isolement social des aînés paru en 2013. Au Québec, le Plan d’action 2018-2023 a également été mis en œuvre. Il prévoit, entre autres, l’amélioration des conditions de logement des aînés et des mesures pour favoriser leurs déplacements.

La population québécoise vieillit, et la société doit rapidement s’adapter à une génération de personnes âgées en pleine croissance et en pleine évolution.

La perte des proches

Perdre l’être cher avec qui l’on a vécu presque toute une vie provoque bien souvent un choc après lequel il est difficile de se relever. Avec elle ou lui disparaît ou s’éloigne une part importante du réseau social, c’est-à-dire la famille et les amis de l’autre. Les femmes sont d’ailleurs plus nombreuses à connaître cette situation puisque 72 % d’entre elles sont veuves à l’âge de 85 ans et plus, contre seulement 38 % des hommes.

Avec l’âge, les deuils des proches s’additionnent, réduisant inexorablement le cercle social et  conduisant souvent à l’isolement [2]. 

Ainsi, comme l’explique madame Tremblay, une aînée accompagnée par Les Petits Frères, il est important d’avoir un réseau de personnes fiables sur qui s’appuyer pour mieux traverser ces difficiles épreuves de la vie : 

« Le décès de mon mari a été terrible pour moi. Cet homme-là n’a pas été seulement mon mari : il a été mon compagnon fidèle et mon confident pendant 65 ans, ma seule famille. À son décès, je me suis retrouvée complètement seule et j’ai perdu l’envie de vivre. Puis, un beau jour de printemps, Les Petits Frères sont entrés dans ma vie. Personne ne pourra jamais remplacer mon Maurice, c’est vrai. Mais grâce aux Petits Frères, j’ai retrouvé une famille! Je me sens écoutée, respectée et surtout, je ne me sens plus seule. J’ai repris goût à la vie. Merci! »

Parmi nos Grandes Amies et Grands Amis :

  • 56 % ont déjà vécu en couple;
  • 73 % habitent en résidence autonome ou intermédiaire ou en CHSLD.

Le déclin physique et la perte de mobilité

Passé un certain âge, les problèmes de santé se multiplient et s’additionnent. Entre autres, les chutes deviennent un facteur préoccupant. Comme les os se fragilisent, ces chutes entraînent des conséquences plus importantes et des pertes de mobilité. Avec la vue et les réflexes qui diminuent, beaucoup d’individus évitent aussi de conduire.

  • À partir de 80 ans, la dégénérescence du corps est 2 fois plus rapide;
  • 9 personnes sur 10 de 65 ans ou plus consomment des médicaments [3];
  • 69 % des gens de 75 ans ou plus vivent avec une incapacité;
  • Bon nombre de personnes âgées avec des problèmes de santé n’ont plus de permis de conduire;
  • 50 % des 75 ans ou plus souffrent de problèmes d’audition (près de 9 personnes sur 10 parmi les résidents de CHSLD).

Ces problèmes peuvent rapidement générer un mal-être et aboutir à un état de dépression comme en témoigne madame Gagné, Grande Amie des Petits Frères de Montréal :

« Quand j’ai appris, il y a quelques années, que j’étais atteinte de dégénérescence maculaire, ma vie a basculé. Perdre la vision était une tragédie pour moi et j’ai commencé à perdre le moral. Mes sorties devenaient limitées, je sentais que je n’avais plus rien devant moi et j’étais démoralisée. La solitude, c’est terrible! Ma rencontre avec Les Petits Frères a été un baume dans mon existence. Je suis heureuse aujourd’hui, car j’ai rencontré Les Petits Frères. Ce sont des amis. »

Le cas particulier des problèmes auditifs : un facteur d’isolement sous-estimé

Après l’arthrite et l’hypertension, la perte auditive causée par le vieillissement constitue la troisième cause d’incapacité chez les aînés. Le fait de mal entendre crée une barrière et de l’isolement puisque la communication devient difficile. Ce repli est particulièrement néfaste pour les personnes touchées. Il entraîne, entre autres, une baisse des performances cognitives de 30 à 40 % plus importante que celle subie par une personne ayant une bonne santé auditive, selon l’étude du Dr Frank Lin, otologiste et épidémiologiste.

La santé mentale et les problèmes cognitifs

Les pertes de mémoire et autres problèmes cognitifs rendent les contacts sociaux difficiles. Délaissées, oubliées, abandonnées à leur triste sort, les personnes âgées vivant avec des déficits cognitifs sont nombreuses à ne recevoir aucune visite ni marque d’affection. Elles ont pourtant des besoins relationnels et affectifs aussi importants que tout le monde.

Certaines personnes aînées vivent aussi avec des problèmes de santé mentale qui limitent leur capacité à créer des liens. C’est une situation que Les Petits Frères rencontrent au quotidien puisque 23 % de nos Grandes Amies et Grands Amis souffrent de déficits cognitifs. 

  • 1 personne aînée sur 4 vit avec un problème de santé mentale (dépression, anxiété, démence);
  • Les personnes âgées souffrant de solitude sont 64 % plus susceptibles de développer de la démence [4];
  • 72 % des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer sont des femmes.

La pauvreté et l’inflation

80 % des Grandes Amies et Grands Amis accompagnés par les Petits Frères sont démunis et reçoivent le Supplément de revenu garanti. Cette grande pauvreté contribue indéniablement à leur isolement. Puisqu’ils peinent déjà à se loger et à se nourrir, il leur est impensable de dépenser pour assister à des spectacles, se rendre au restaurant, s’inscrire à des activités ou posséder un véhicule pour se déplacer.

  • 1 personne aînée sur 2 vit avec moins de 20 000 $ par année [5].
  • Plus de 80 % des Grandes Amies et Grands Amis reçoivent le Supplément de revenu garanti.

Sensibiliser pour mieux accompagner

Le manque de connaissance et de conscientisation du grand public sur ce vaste enjeu constitue l’un des plus grands freins à la lutte contre l’exclusion des personnes aînées. En effet, si nous ne sommes pas, en tant que société, sensibilisés à ce problème, il est dès lors difficile d’y faire face. L’isolement social est souvent associé à la sous-valorisation des aînés et à leur désertion des activités bénévoles et des emplois rémunérés.

Pourtant, cette réalité n’est pas une fatalité, loin de là. Être attentif aux personnes aînées qui nous entourent, échanger avec elles, repérer et éventuellement signaler leur existence aux organismes comme Les Petits Frères représentent des moyens simples et efficaces pour changer le cours d’une vie.

La lutte contre l’isolement passe obligatoirement par la création d’environnements favorables à l’échange et à l’entraide. Combattre l’âgisme sous toutes ses formes et avoir une vision positive du vieillissement permettra sans conteste d’inclure et d’impliquer les personnes aînées dans notre société.


Sources :

[1] Institut de la statistique du Québec. Un aperçu de la situation démographique au Québec, 2020.

[2] Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Le vieillissement au Québec, 2011.

[3] Conseil national des aînés. Rapport sur l’isolement social des aînés, 2013-2014.

[4] Enquête québécoise sur les limitations d’activités, les maladies chroniques et le vieillissement, Institut de la statistique du Québec, 2013.

[5] Tjalling Jan Holwerda, Dorly J H Deeg, Aartjan T F Beekman, Theo G van Tilburg, Max L Stek, Cees Jonker, Robert A Schoevers. « Feelings of loneliness, but not social isolation, predict dementia onset », J Neurol Neurosurg Psychiatry, 2014, vol. 85, no 2, p. 135–142.

[6] Ministère de la Famille et des Aînés du Québec. Les Aînés du Québec, 2012.

Recevez notre infolettre