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Comme deux sœurs

Elles ne pourraient pas se rappeler de l’air que fredonnait maman en faisant la vaisselle. Ni de l’odeur du tabac de la pipe que fumait papa. Encore moins des jeux auxquels elles s’adonnaient, petites, ou des jouets qu’elles se prêtaient un jour pour mieux se l’arracher le lendemain. Elles ne sont pas nées sous le même toit, ni dans le même pays et beaucoup trop d’années d’écart les séparent pour être des sœurs. Pourtant, tout du lien qui les relie nous pousse à croire en un modèle de sororité exemplaire et inspirant.

Stéphanie est bénévole au sein de l’équipe des Petits Frères de du Plateau de Montréal depuis octobre 2020. Venue de France et ayant perdu ses grands-parents à un jeune âge, elle cherchait un moyen d’entretenir la richesse d’une conversation intergénérationnelle auprès d’une personne aînée. Souhaitant devenir bénévole, ses critères de jumelage étaient simples. Elle souhaitait donner de son temps auprès d’une Grande Amie ou d’un Grand Ami capable d’ouverture d’esprit et de dialogue.

Mme Arsenault, une femme de 81 ans, animée, cultivée et éloquente répondit à l’appel. Cette dernière possède une soif d’apprendre et une curiosité sans borne. Depuis qu’elles se sont trouvées, les rires fusent de complicité et de bonne entente à chacune de leur rencontre.  

Elles partagent des souvenirs de leur enfance respective, des voyages, des souvenirs de famille, des goûts pour l’art et la culture. Elles rigolent.

Lorsque Stéphanie rend visite à Mme Arsenault, la table est toujours nappée et garnie de gourmandises délicieuses qui ajoutent au goût de se revoir et de s’espérer. Elles échangent leurs points de vue sur des faits d’actualité. Et même si elles ne sont pas d’accord, elles restent bonnes amies. Sans jugement. Avec ouverture et bienveillance.

Quand elles font des visites culturelles, Stéphanie s’offre toujours de pousser la chaise roulante de Mme Arsenault. Geste que cette dernière apprécie particulièrement. Un jour, notre Grande Amie a tenu à inverser les rôles et à essayer de pousser Stéphanie dans la chaise. Les deux en gardent un souvenir complice d’une belle partie de rigolade.

Elles s’admirent l’une et l’autre. Mme Arsenault a tout à apprendre de la facilité qu’exerce Stéphanie à prendre des décisions. Elle raconte qu’ayant été élevée au sein d’une famille de 14 enfants, prendre la parole était pratiquement impossible et espérer être écouter était illusoire. Stéphanie sait écouter. L’une a besoin de parler et l’autre est disponible pour l’entendre.

Stéphanie quant à elle, ne se lasse pas d’en connaître d’avantage sur le temps d’avant, cette autre époque du patrimoine Québécois dans laquelle a grandi sa sœur de cœur et de tête. Elle arrive à comprendre d’où vient sa Grande Amie et elle veut savoir où elle va pour y aller avec elle.

Et que dire des pique-niques! Elles adorent les pique-niques. L’un des pique-niques mémorables qu’elles ont connu ensemble, raconte Mme Arsenault, c’est la fois où elle avait succombé à un coup de chaleur. Stéphanie s’était inquiétée. N’ayant pas de mesure de la gravité de l’état de santé de sa Grande Amie, elle avait eu très peur de la perdre et était restée près d’elle jusqu’à l’intervention des premiers répondants. Mme Arsenault, quant à elle, une fois ses esprits retrouvés entre les mains des ambulanciers, avait été ô combien émue et profondément touchée par la présence de Stéphanie à ses côtés. Elle avait même trouvé la force de lancer quelques blagues à faire exploser l’inquiétude du moment en mille éclats de rire. Mme Arsenault explique qu’elle s’était sentie importante pour quelqu’un et que ce geste était d’un dévouement précieux.

Leur sororité fondée sur le partage et l’entraide est remarquable. Ce qui est surtout très inspirant, c’est les rires communicatifs qui éclatent comme des grains de popcorn qui remplissent notre sac de conscience, réalisant qu’on assiste au film d’une grande histoire de rencontre humaine.

Peut-être qu’en plus d’œuvrer depuis plus de 60 ans à contrer l’isolement des personnes aînées partout à travers le Québec, les Petits Frères agissent de pont intergénérationnel permettant un trait d’union entre les âges, donnant la chance au passé de parler au présent pour mieux entendre ce que l’avenir a à nous dire.

Merci Stéphanie et Mme Arsenault pour cette belle histoire qui est la vôtre.

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