Dans le cadre de la campagne de notoriété des Petits Frères ayant pour slogan : « Tracer un trait d’union avec les personnes aînées, c’est mettre un point final à leur isolement » nous avons repéré de ces noms singuliers qui, avec le temps et le pluriel d’un don de soi et de complicité se sont composés et devenus des marqueurs de relation d’amitié sincère.
L’un de ces noms, c’est « Yvon ».
Si la solitude est un fossé, Yvon est une passerelle qui nous permet de l’enjamber.
Yvon est gardien de musée au Musée des Beaux-Arts de Montréal et cela fait à peine 5 mois qu’il est bénévole auprès de ses Grandes Amies et Grands Amis.
Des œuvres d’art qui racontent une histoire, que l’on entrepose, que l’on stocke, des œuvres accrochées aux murs du musée que l’on époussette, que l’on regarde à distance, sans toucher, parfois pressé, parfois curieux, parfois indifférent, Yvon a l’habitude d’en voir. Mais qu’en est-il de l’œuvre d’une vie humaine isolée que l’on entasse dans des résidences de personnes âgées ou accrochée aux murs de l’oubli dans le fond des appartements? Des œuvres d’une richesse insoupçonnée et d’une valeur inestimable. Des œuvres qui ne croisent plus les yeux des spectateurs, des passants, des curieux. Que fait-on de ces œuvres humaines accessibles et gratuites qui n’intéressent plus personne et qui pourtant, pourraient en dire long sur l’art de vivre?
« L’expérience auprès des Petits Frères est l’expérience la plus humaine que je connaisse », explique Yvon tout en fouillant dans les albums photos et vidéos contenus dans son cellulaire pour nous partager en image des milliers de mots.
Au début, ce n’était pas un jumelage définitif, mais plutôt de substitut. Il remplaçait un bénévole auprès de Monsieur Robert qui était hospitalisé aux soins palliatifs. Une expérience qu’il n’oubliera jamais. La paix et la douceur entourant les soins administrés auprès des patients du centre lui apportaient un immense réconfort.
Quelques jours à peine avant la mort de Monsieur Robert, au moment où parler n’était plus nécessaire, Yvon a fait jouer The way it used to be d’Engelbert Humperdinck. Monsieur Robert était allongé dans son lit, les yeux clos, calme, apaisé, probablement bercé par ses souvenirs, quant à sa grande surprise et émerveillement, à même une expiration, il s’était mis à chanter les mots du refrain recueilli et abandonné. « Je n’aurais jamais cru possible que ça puisse me réconcilier avec la mort, raconte Yvon, ce n’est pas l’agonie, c’est la vie même, des moments de silence, des sourires parfois, la paix ».
Il se souvient aussi de Madame Lynn, atteinte de la maladie d’Alzheimer, qui aimait tant les chats. Il lui avait apporté une petite figurine du dit-félin lors d’une de ses visites qui l’avait transportée de joie.
Et puis, il nous parle de sa rencontre avec Madame Rita à Noël, sa Grande Amie du moment. Lorsqu’il était entré dans sa chambre pour la première fois, c’est un soleil d’été qui brillait en plein hiver. Le sourire de sa Grande Amie était éblouissant! « Elle passait ses journées à attendre… À attendre rien, explique-t-il, et moi, j’arrivais comme une illumination, comme si Dieu avait exhaussé ses prières. »
Il était retourné dans sa voiture après avoir traversé les corridors de la résidence qui sentaient l’urine et la misère, et avait éclaté en sanglots à l’idée qu’il existe autant de gens seuls. Vraiment seuls. Personne pour leur rendre visite. Des œuvres de vie humaine comme un jardin fertile laissé en jachère.
Et lorsqu’on lui demande pourquoi il continue à investir de son temps bénévolement auprès des Grandes Amies et des Grands Amis des Petits Frères il répond « qu’à chacune de mes visites, je me demande ce que ma présence répare… » Sa présence répare sans aucun doute l’instant présent. Qu’a-t-on de plus précieux et de plus vrai que l’instant présent? Comme le dit Yvon, les Grandes Amies et des Grands Amis n’attendent rien, mais par la présence des bénévoles dans l’instant présent, ils ou elles espèrent tout! Et l’espoir fait vivre.
« C’est une expérience humaine qui je crois, explique Yvon, apporte au moins autant aux bénévoles qu’aux Grandes Amies et aux Grands Amis ».
Puissions-nous donner une heure de notre temps par semaine afin de tracer un trait d’union qui mettra un point à la solitude des personnes aînées d’un peu partout au Québec. Une heure composée d’écoute, de présence et d’attention. Une heure de contemplation comme si nous nous trouvions devant une grande œuvre de vie humaine accrochée sur le mur du temps qui passe. Un trait d’union entre l’attente de rien et l’espoir de tout. Ici et maintenant.
Merci Yvon, pour cette enjambée dans l’histoire de l’art de vivre.
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