Chez madame Marchand, les après-midis défilent souvent au rythme des cartes brassées. À notre arrivée, elle et sa bénévole Sylvie sont plongées dans une partie de Skip-Bo. Cette fois, c’est Sylvie qui a les devants, mais à 96 ans, la Grande Amie des Petits Frères n’a rien perdu de son esprit combatif.
« Les cartes, ça fait partie de nos visites, explique Sylvie. On s’installe, on prend des nouvelles et hop, on sort un jeu… avec un verre de liqueur et quelques chips : madame Marchand y tient ! C’est notre rituel. »

Depuis deux ans et demi, Sylvie et son conjoint Jocelyn rendent régulièrement visite à leur Grande Amie. Et avec elle, ils font bien plus que jouer aux cartes : ils s’assurent que sa santé est bonne et la soutiennent dans de nombreuses tâches qui transforment complètement la couleur de ses vieux jours.
« Je suis tellement gâtée, s’exclame-t-elle. Mon mari et mes enfants sont décédés, et c’est un peu comme s’ils les remplaçaient. Ils m’aident à réparer des choses dans ma maison, me cuisinent des petits plats, m’invitent dans leur famille, me proposent des sorties. Vous n’avez pas idée de tout ce qu’ils font pour moi. Ils m’apportent de la paix d’esprit et me rendent vraiment la vie facile. »
De précieux moments partagés ensemble
Au-delà du soutien à domicile, leur lien tient une place privilégiée dans leurs vies respectives.
« Madame Marchand est une personne de cœur, à l’écoute, présente, drôle, remarque Sylvie. Elle nous apprécie, on l’apprécie, et ça fait de la magie. C’est devenu une amie et une membre de la famille. »

Le jour de notre visite, madame Marchand, Sylvie et Jocelyn se préparent pour une soirée au restaurant. Pour Sylvie et Jocelyn, ces sorties avec leur Grande Amie font partie des moments qu’ils chérissent le plus.
Ils n’hésitent donc jamais à en caser une à l’agenda : repas et rassemblements organisés par Les Petits Frères, soirées de quilles ou de bingo, soupers dans la famille, célébrations d’anniversaires… chaque occasion devient prétexte à partager un bon moment.
« J’aime tellement ça qu’ils ne savent même pas que je suis capable de dire non ! », s’exclame madame Marchand, amusée d’entendre la bénévole énumérer leurs activités.
Vieillir chez soi, au cœur de ses souvenirs
Avec le départ de son mari il y a déjà près de 20 ans, cela fait déjà un moment que madame Marchand se débrouille seule à la maison.

« Mon mari était souvent malade à la fin de sa vie. J’ai donc appris à couper le gazon, à pelleter la neige, à laver les murs et les fenêtres. Pendant 75 ans et jusqu’à l’année dernière, j’ai conduit ma voiture… Aujourd’hui, je n’y arrive plus, mais je continue de faire mon ménage et de sortir marcher chaque jour, été comme hiver. Jocelyn et Sylvie ne sont jamais loin, et ça me remonte le moral. Je dis souvent que c’est deux soleils qui entrent dans ma maison. »
Sylvie, est visiblement fière d’aider sa Grande Amie à rester chez elle aussi longtemps qu’elle le pourra.
« Madame Marchand a eu ses enfants dans cette maison. Tout son cœur est ici. Elle a le droit de rester dans ses repères et dans ses souvenirs. Si, par nos petits gestes, on peut contribuer à ça, tant mieux. »
La bénévole devient vite émue quand on lui reflète la grandeur de sa générosité.
« M’occuper des personnes aînées, j’ai toujours fait ça. Prendre soin de la solitude et aller vers les autres, c’est dans mon être, dans mes valeurs. Madame Marchand m’apprend beaucoup sur la vie et sur mon propre vieillissement. Et elle m’apporte énormément d’amour et de bonheur. »
« Essayez, n’ayez pas peur », conclut-elle.
« Il y a toujours quelqu’un à découvrir de l’autre bord. »
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