Lettre ouverte publiée dans les médias de Québecor pour la Journée internationale des personnes aînées
Croyez-vous que c’est un compliment que j’ai reçu en descendant avec assurance les marches d’un escalier ? Non. C’est ce que j’ai dit un jour à un adolescent de 14 ou 15 ans qu’on venait de me présenter. Pensez-vous qu’il l’avait pris comme un compliment ? Non ! Il m’a souri poliment, mais je pense que je l’avais insulté. Il aurait sûrement préféré que je lui dise : « Dis donc, t’as l’air vieux pour ton âge ! »
Rassurez-vous, il a eu le temps de vieillir depuis ! Il a probablement autour de 50 ans aujourd’hui. Mais est-il vieux ? Et vous qui me lisez, êtes-vous jeune ? C’est quoi, pour vous, être jeune ? C’est quoi être vieille ?
Depuis 16 ans, j’ai l’honneur d’être la porte-parole de l’organisme Les Petits Frères. Sa mission admirable est de voir à ce que le plus grand nombre possible de personnes du grand âge ne soient pas laissées à elles-mêmes. Et il y en a beaucoup, croyez-moi. Et même de plus en plus. Pourquoi ? Est-ce normal ? Est-ce partout pareil sur la planète ? Non. Pas du tout.
Ouvrons-nous l’esprit, les yeux et les oreilles
Quand on est jeune et qu’on avance dans la vie, on veut apprendre. On a des projets. On veut faire ci, on veut faire ça. On veut conquérir le monde. C’est vrai, ça arrive. Des fois, aussi, ça n’arrive pas, mais il faut avoir des buts dans la vie. Vous avez peut-être connu des échecs, des déceptions. Moi, oui. Comme tout le monde. Des moments de grand bonheur aussi. Et des souffrances. C’est ça, gagner des années d’expérience. On apprend à accepter les étapes difficiles et à contrôler sa vie comme on le peut.
La beauté nous entoure, elle est toujours accessible. Mais parfois, on ne la voit pas, on ne la voit plus. Nul besoin d’avoir une aptitude particulière pour la percevoir. On a seulement besoin de l’autre pour la découvrir ou la redécouvrir, pour mettre des lunettes différentes afin d’apprécier la beauté des petites choses de la vie quotidienne et d’accéder à une existence plus riche de sens.
Vous me direz que pour les personnes du grand âge qui vivent seules, sans amis, sans entourage pour les réconforter, la beauté est difficile à trouver. Surtout si elles ne sortent jamais de chez elles. Et vous aurez raison.
Journée internationale des aînés
Le 1er octobre, c’est la Journée internationale des personnes aînées. Ce qui me désole, c’est que l’âgisme est encore très présent au Québec. Ici, plus la vie te donne des années en cadeau, plus tu risques de te retrouver seul et d’être isolé. Savez-vous qu’en 2022, la proportion des personnes de plus de 65 ans a dépassé celle des moins de 20 ans au Québec ?
Certaines personnes s’isolent à la suite d’un malheur quelconque, et je les comprends parfaitement. Même moi, qui suis de nature très active, j’ai besoin de calme à l’occasion et de prendre mes distances. Mais je ne m’isole pas pendant des semaines ! Pourtant, c’est ce que des gens font. Ils ont donc besoin qu’on aille les chercher, qu’on les encourage.
Souriez
Je ne sais pas dans quelle décennie de votre vie vous vous trouvez, mais il y aura d’autres étapes devant vous. Vous savez qu’on n’arrête pas d’apprendre et d’évoluer.
Si vous vous percevez comme « vieille » ou « vieux », et que vous voyez une personne qui a encore « des croûtes à manger » (comme vous l’avez sans doute pensé souvent en croisant des jeunes), souriez-lui. Vous la surprendrez et vous aurez ouvert une belle brèche dans le mur invisible qui sépare trop souvent les générations.
Si vous vous percevez plutôt comme « jeune » et que vous croisez une « personne âgée », souriez-lui en premier si elle ne le fait pas. L’important est d’engager la communication.
Chaque jour, chaque personne, qu’elle ait 25 ou 95 ans, devrait se dire : « Je suis là, je suis vivante et je fais partie de ce monde hétéroclite, et je vais essayer de le comprendre. » Après tout, c’est nous tous qui le construisons ensemble.
Dites-vous que la Journée internationale des aînés, c’est 365 jours par année.
Béatrice Picard
Actrice et marraine de l’organisme Les Petits Frères et du Salon des aînés de Saint-Jérôme
Crédit photo : Mélanie Bernier